
Actrice à part entière des victoires du GMT94, telle celle remportée de haute lutte au dernier Bol d’Or, l’équipe qui ravitaille la moto à chaque « pit stop » présente une particularité rare à ce niveau de compétition. Elle est en effet uniquement constituée de bénévoles. L’un d’eux, Stéphane Da Silva, préposé au carburant, nous dévoile les secrets des coulisses de l’exploit.
Est-ce qu’on te surnomme toujours « le pompiste » ?
« Oui, souvent ! Mais la définition exacte du poste est “responsable réservoirs”. En effet, nous disposons de quatre ou cinq réservoirs par course. D’origine, il faut savoir qu’aucun d’eux ne contient le même volume. S’ils sont donnés d’origine pour 24 litres, ils en renferment toujours davantage (de 0,3 à 0,8 litres). Or, le règlement impose 24 litres maximum. Mon premier travail consiste donc à réduire leurs contenances respectives, pour flirter avec ce chiffre sans jamais l’atteindre. Pour cela, j’y insère des petites balles de différents volumes. L’idéal, c’est d’obtenir 23,95 litres. C’est cela, la procédure de tarage ».
Est-ce que tout est aussi complexe ?
« Ça, ce n’est que le hors-d’œuvre. Ensuite, l’autre paramètre primordial, c’est que le voyant de réserve s’allume au bon moment, c’est à dire dans le dernier tour avant de rentrer aux stands. Cet étalonnage est très difficile car il faut tout faire concorder en fonction du circuit, des consommations relevées, des conditions météo, du type de pneus utilisés, etc. Tout cela est effectué lors des essais et doit être terminé avant le warm-up et bien entendu, la course ».
Une fois ces préparatifs effectués, que se passe-t-il lors de la course ?
« Une fois rempli de carburant, le derrick* est pesé. Après le ravitaillement, on le pèse de nouveau. Cela permet de savoir quelle quantité exacte a été versée. Cette valeur permet de repérer si la moto se met à surconsommer, ou si le réservoir n’est pas parfaitement rempli à fond. De quoi ajuster le prochain arrêt du pilote avec précision. Immédiatement après les mesures, le derrick est de nouveau rempli. Nous avons toujours un derrick d’avance, au cas où ».
*bidon utilisé pour remplir le réservoir pendant les ravitaillements
Combien de temps te faut-il pour faire le plein ?
« Moins de six secondes ! Le ravitaillement complet s’effectue selon un rythme très précis. J’interviens en dernier, après les changements des roues avant et arrière. Pour ne pas perdre une seconde, je dois me tenir au plus près de la moto, prêt à enclencher la vanne de remplissage, avec l’interdiction absolue de la toucher, sous peine de pénalité ».
Ensuite, tu peux souffler un peu ?
« Pas question ! Comme tous les membres de l’équipe, je dois rester disponible à chaque instant, au cas où le pilote rentre inopinément au stand. La difficulté de ce poste est aussi physique. D’abord, il nous est formellement interdit de dormir, même sur une épreuve de vingt-quatre heures. Ensuite, il s’agit de gérer le poids du derrick, qui affiche 37 kilos sur la balance ! Et enfin, reste à supporter d’être équipé en permanence de la tenue complète (combinaison ignifugée, cagoule, lunettes, gants, chaussures), même pour aller aux toilettes (rires). Je perdrais trop de temps si je devais me rhabiller en urgence ».
Et comment te débrouilles-tu pour te rendre disponible ?
« Avec un employeur assez compréhensif, je jongle entre les jours de congés et les RTT. Suivre le championnat, c’est participer à cinq courses par an. J’arrive sur les courses le mardi ou le mercredi et pour moi, les essais commencent le jeudi. Les rôles ne sont pas forcément figés au sein de l’équipe et il est possible que nous donnions un coup de main sur d’autres domaines. Une seule règle s’impose pour éviter les embrouilles inutiles : à partir du warm-up, chacun reste à sa place et se cantonne à son domaine d’intervention ».